Comme beaucoup de gens charmants et intelligents, Emmanuel Macron a l’habitude d’obtenir ce qu’il veut.
À seulement 46 ans, le séduisant président français peut déjà se targuer d'un parcours professionnel étincelant, parsemé d'obstacles évités ou surmontés.
Une ascension fulgurante, la transformation du paysage politique français, la formation de son propre parti triomphant, l'accession à la présidence à deux reprises, la soumission de la gilets jaunes (gilet jaune) manifestations, réforme des retraites et les glorieux Jeux olympiques de Paris cet été.
« Il est incroyablement intelligent, un travailleur acharné, dynamique et créatif », a concédé un ancien ministre, Jean-Michel Blanquer, dans une récente interview au journal français, malgré sa brouille avec le président.
Alors comment persuader un homme comme Emmanuel Macron d’accepter qu’il a peut-être, enfin, commis une grave erreur ?
La réponse courte, à en juger par les dernières semaines, semble être que ce n’est pas possible.
Depuis que Macron a pris ce qui est largement considéré comme une décision irréfléchie, mal chronométrée et profondément contre-productive de dissoudre le Parlement français et de convoquer des élections anticipées en juin, le président français a du mal à trouver un moyen de présenter le résultat comme autre chose qu'une défaite personnelle humiliante.
Il est vrai que l'Assemblée nationale française, secouée par la montée du Rassemblement national (RN) d'extrême droite et par l'arrivée du projet politique disruptif de Macron, s'égarait déjà vers un territoire marécageux après plusieurs décennies de basculement confortable entre les partis de centre-gauche et de centre-droit.
Mais les élections soudaines de l'été, censées apporter une plus grande « clarification », ont au contraire laissé les sièges du célèbre demi-cercle de la chambre divisés de manière égale entre trois blocs, tous furieusement opposés les uns aux autres : la gauche et l'extrême gauche, un centre nouvellement confus et la droite populiste.
« C'est une situation merdique », a déclaré à la BBC l'expert constitutionnel Benjamin Morel, à court d'expressions plus érudites pour résumer la situation.
« C'est un désastre. Macron a perdu la main. Il n'est plus en phase avec le pays comme il l'était autrefois », a reconnu la journaliste Isabelle Lasserre, auteure d'un récent livre sur le président.
Depuis les élections, il a cherché à présenter la nouvelle arithmétique parlementaire comme un message presque délibéré, presque bienvenu, de l’électorat français aux hommes politiques de tous bords, les encourageant à faire des compromis et à adopter le type de construction de coalition si courant dans d’autres pays européens.
Mais de nombreux électeurs et hommes politiques français ne sont pas convaincus.
Ils voient dans le discours du président une attitude arrogante, une tentative d'éviter d'être tenu responsable d'un désastre qu'il a lui-même provoqué et de continuer à faire comme si de rien n'était.
Ce qui explique pourquoi, ce week-end, les partis de gauche prévoient des manifestations dans les rues de la France. Cela pourrait marquer le début d'un long automne de mécontentement.
La gauche, qui s'est rassemblée pour former une nouvelle alliance NFP contre l'extrême droite pour ces élections, est plus que furieuse que Macron ait ignoré le fait que son bloc ait remporté la plus grande part des sièges au parlement.
Au lieu de cela, le président a viré vers le centre-droit, en choisissant Michel Barnier comme nouveau Premier ministre.
Cela suffira-t-il à stabiliser le navire ? Les conseillers de Macron indiquent que M. Barnier aura une totale liberté – sans ligne rouge – pour diriger la politique intérieure et pour chercher suffisamment de soutien au Parlement pour éviter un vote de défiance.
« Choisir Barnier était une décision astucieuse. C'était le meilleur choix », a déclaré M. Lasserre, faisant valoir que l'ancien commissaire européen était un homme expérimenté, qui pourrait faire gagner du temps à M. Macron.
Mais combien de temps et dans quel but ?
Le président a récemment cherché à se présenter comme une figure distante, presque royale, simplement intéressée par la sauvegarde de la stabilité nationale.
Mais il continue à s’immiscer dans la politique parlementaire, insistant, avec arrogance, sur le fait que ni l’extrême gauche ni l’extrême droite ne peuvent avoir le moindre rôle ou influence au sein du gouvernement.
Emmanuel Macron a encore deux ans et demi de mandat à sa tête.
Sera-t-il contraint de démissionner avant cette date à cause des manifestations de rue ? Verra-t-il sa réforme des retraites, obtenue de haute lutte, annulée ?
Faudra-t-il à nouveau des élections parlementaires « clarificatrices » l’an prochain ? La constitution de la Ve République devra-t-elle être amendée, voire remplacée ?
Ou bien le président français, un ancien banquier ayant un goût prononcé pour la haute voltige, pourrait-il trouver un moyen, une fois de plus, de surpasser ses rivaux et de regagner le soutien d'une opinion publique de plus en plus sceptique ?
« J’en doute. Il pourra peut-être stabiliser les choses, mais pas plus », conclut Isabelle Lasserre.
Il est significatif que le principal bénéficiaire de la crise actuelle soit, presque certainement, la personne que le président Macron a le plus cherché à contrecarrer.
Il a passé des années à essayer de s'assurer que Marine Le Pen, leader du Rassemblement national d'extrême droite anti-immigrés, désormais le plus grand parti du pays, ne s'approche jamais du véritable pouvoir.
« Pour l’instant, c’est elle la grande gagnante de cette crise. Elle a perdu les élections, mais elle a multiplié par 1,5 la taille de son groupe (parlementaire). Elle a plus d’argent. Elle a tout pour mettre en place la relève de son parti », conclut Benjamin Morel.
Il a prédit que si le véritable héritage d'Emmanuel Macron s'avérait être une future victoire électorale du Rassemblement national, le chaos s'ensuivrait.
« On peut trouver des solutions temporaires (aujourd’hui)… Mais si le RN obtient la majorité absolue, on entrera dans un conflit qui ne sera plus au parlement, mais dans la rue. »